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Femmes, vie, liberté

Exergue : les lecteurs comprendront que je suis athée ; mais j’affirme en préliminaire vouer le plus grand respect aux croyants ; je considère que la foi est l’une des voies privilégiées vers la spiritualité et les hauts sentiments.
Je sais que la foi ne se décide pas et espère que ceux qui la détiennent parviendront à imposer à leurs clergés et à leurs coreligionnaires le respect de l’égalité entre tous les êtres humains et leur liberté.

Liberté, égalité, fraternité, femmes, vie, liberté : à plus de 2 siècles d’intervalle, ces triptyques sont en miroir ; le second interpelle le premier et le force à franchir la barrière des genres.

Il bouscule un monde où la vie des femmes a été confisquée et, par conséquent, la complète émancipation de l’espèce humaine empêchée.

L’avènement des femmes dans l’espace public et leur revendication à l’égalité constitue une authentique révolution anthropologique, une rupture radicale avec l’universel des sociétés humaines : celui où le sexe masculin régnait sans partage dans tous les domaines de la vie: familiale, sociale, économique et politique.

Ce bouleversement s’est réalisé de manière diverse dans le temps et l’espace : plus précocement dans le Nord de l’Europe et de l’Amérique ; plus tardivement dans le reste de ces continents ainsi qu’en Afrique et en Asie.

Il a toujours été et demeure le fruit de luttes menées par une avant-garde féminine aussi intrépide qu’isolée; chaque peuple a ses héroïnes, en France elles se nomment Olympe de Gouges, Simone de Beauvoir ou Giséle Halimi.

Les principaux obstacles à cette émancipation ont été et demeurent la pesanteur des traditions et les religions monothéistes.

Ils se conjuguent pour préserver un ordre établi.

Le carcan le plus efficace et donc le plus contraignant est bien celui des religions car elles offrent un récit global et homogène provenant d’un être supérieur, dieu ; assorti d’un encadrement humain pour divulguer et protéger leur dogme, les clergés.

Nées dans un monde marqué par cette hiérarchie, elles l’ont épousé, cimentant ainsi la réalité première de la domination masculine.

La notion même de religion, principalement dans ses versions monothéistes, est intrinsèquement antagoniste à celle de liberté; comment ne pas se soumettre à celui qui a créé l’homme et décide de son destin ?

Les hommes, en imaginant les religions, se sont emparés du concept métaphysique de dieu pour mieux asseoir leur domination sur leurs congénères.

Ils ont fait de dieu un sur-homme au nom duquel leurs représentants s’expriment et occupent tout naturellement les plus hautes fonctions confessionnelles.

Ces gardiens de la foi exercent par délégation un pouvoir éminent sur leurs fidèles tout au long de leur vie et au-delà, puisqu’ils peuvent fermer les portes du paradis ou ouvrir celles de l’enfer.

Et à leurs yeux la préfiguration de l’enfer, ce sont les femmes.

À la fois faibles et démoniaques, elles sont d’éternelles tentatrices ; c’est Eve qui cède à l’appât et entraîne Adam dans le péché.
Il s’agit donc de s’en préserver et pour cela de les contenir en état de dépendance.

Il ne peut, par conséquent, être question de concéder, sinon parcimonieusement, la liberté à une telle engeance qui porte en elle tous les dangers, dont celui, le pire, de vouloir renverser un ordre immuable qui les opprime.

L’Histoire nous apprend que ce n’est pas sans mal qu’une partie de l’humanité s’est affranchie de la tutelle de dieu et de ses serviteurs ; la France en est un exemple avec le si bien nommé Siècle des Lumières et, dans son sillage, la Révolution de 1789 abolissant les privilèges du clergé et enfin la loi de 1905 fondant le principe de laïcité.

Les religions ont certes évolué mais pas de manière univoque ; certaines allant vers une conception plus libérale de la vie en société et reconnaissant aux femmes davantage de droits, comme au sein de la chrétienté avec le protestantisme ou la théologie de la libération ou l’Islam avec le Soufisme alors même qu’une partie du monde musulman revenait plus récemment à une pratique archaïque et rigoriste de leur foi, au grand détriment des femmes.

Les chefs et responsables des principales religions monothéistes sont toujours exclusivement des hommes ; et aucun changement n’est pour l’instant à l’ordre du jour.

Seules les sociétés largement sécularisées sont parvenues à reconnaître aux femmes des droits équivalents à ceux des hommes; mais le chemin vers leur effectivité est long et semé d’embûches.

Avec de nouvelles menaces qui se font jour : la quête du pouvoir et le désir forcené de le conserver ont poussé des dirigeants politiques de sociétés laïcisées ou largement tolérantes à faire de la tradition et de la religion des éléments fédérateurs; les opposant aux tenants d’une liberté qui ne serait que le faux nez d’un Occident voulant ainsi perpétuer sa domination. Cette farce, sur jouée par tous les dictateurs, confirmés ou débutants, bénéficie d’un certain succès auprès de populations désemparées par la misère ou la guerre ou bien séduites par un discours identitaire national-religieux ; les retrouvailles de M. Poutine avec l’église orthodoxe sont à cet égard exemplaires, lui l’enfant d’un régime communiste radicalement athée comme quelques années auparavant celles de M. Kadhafi avec l’Islam ; et que penser de la piété de MM Trump et Bolsonaro ?

En instaurant un totalitarisme religieux les mollahs Iraniens imposent la révolution comme unique solution à l’émancipation des femmes et à la conquête de leur liberté ; seules, si seules face à l’hydre odieuse d’un régime totalitaire.
Les voiles qu’elles déchirent sont autant ceux de l’hypocrisie des phallocrates qui les violentent que ceux qui leur sont imposés.

Le devoir de soutenir les iraniennes, tout comme leurs sœurs afghanes est un impératif catégorique parce que leur combat est décisif pour l’avenir des sociétés humaines. La ligne de partage entre démocraties et dictatures passe par la reconnaissance de la liberté des femmes et de l’égalité femmes-hommes ; l’exemple de la résistance et de la révolte de ces femmes révèle avec éclat que les femmes sont non seulement l’avenir de l’homme, comme nous l’a écrit le poète Aragon, mais celui de l’Humanité.


François Cantier – Avocat
Président d’honneur d’Avocats sans Frontières France
Président de l’École des Droits Humains et de la Terre