Morte pour La Défense.
Celle des femmes et des hommes qui dans son pays, la Turquie, devenu une prison pour les défenseurs de la liberté, subissent un régime politique devenu dictatorial.
Les rêves d’Empire du President Erdogan ne s’accommodent plus d’aucune règle qui puisse entraver son pouvoir.
Les avocats en même temps que l’opposition politique, les journalistes et les Juges indépendants sont devenus des cibles prioritaires.
Les critiques et les manifestations de solidarité des instances professionnelles, tout comme les condamnations de la Cour Européenne des Droits de l’Homme ne produisent aucun effet.
Charbonnier est maitre chez soi avait répondu Joseph Goebbels devant la Société des Nations où il était interpellé sur le sort des Juifs dans l’Allemagne nazie; c’était en septembre 1933.
Est-ce encore et toujours vrai aujourd’hui?
Hormis les pressions diplomatiques qui voguent au gré des intérêts et des alliances n’y a t- il pas d’autres voies pour amener les dirigeants d’un état à respecter ses propres lois et ses engagements internationaux ?
Qui peut aujourd’hui reprendre le flambeau du combat pour la liberté à la fois pacifiquement et efficacement ?
La Turquie est un pays riche, 13éme puissance économique mondiale, peuplée de 82 millions d’habitants, avec près de 50% de son PIB provenant de ses échanges extérieurs et l’UE comme principal partenaire commercial.
Elle n’est donc pas isolée et ne vit pas en autarcie.
Les excès de son régime actuel ont déjà provoqué sur le plan économique et monétaire des reculs significatifs.
C’est ici le talon d’Achille du pouvoir que ces seules rodomontades politico-religieuses ne suffisent plus à rendre populaire.
Les Etats Démocratiques et l’Europe en premier ont le pouvoir d’interdire à M. Erdogan de poursuivre son projet criminel tant à l’égard de sa population, démocrates et Kurdes confondus, que de ses pays voisins; mais, divisés, ils ne se décident pas à agir
La profession d’Avocat est actrice des relations internationales principalement en matière commerciale et financière en même temps qu’elle connait les mécanismes juridiques nationaux et internationaux protecteurs des droits fondamentaux; elle ne peut vouloir porter les valeurs de la Démocratie et de l’état de droit et ignorer leur violation massive et systématique.
Il lui appartient donc de se mobiliser pour organiser la riposte à cette situation en inventoriant et en mettant en oeuvre les mesures et actions propres à convaincre le pouvoir Turc que ses exactions ont un coût supérieur aux bénéfices escomptés.
Un tel travail ne peut se réaliser qu’à une échelle internationale, par exemple sous la houlette du Conseil Consultatif des Barreaux Européens (CCBE), avec la participation des Instances représentatives de la profession d’Avocat, des organisations de défense des Droits de l’Homme ou issues de la profession d’Avocat telle Avocats sans Frontières.
Escomptons qu’une telle initiative aurait un caractère exemplaire à l’égard d’apprentis tyrans.
Cet engagement exige de la volonté et de l’opiniâtreté; comme en a fait preuve jusqu’au sacrifice suprême Me Ebru Timtik, morte au bout de 238 jours d’une grève de la faim.
En sa mémoire et afin que les droits de la défense qu’elle a symbolisés demeurent l’ultime rempart contre toutes les tyrannies, nous avons le devoir d’agir.
François Cantier – Avocat
Président d’honneur d’Avocats sans Frontières France
Président de l’Ecole des Droits de l’Homme