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Dans un monde devenu confus et dangereux ressuscitons les droits humains et les principes démocratiques

Voici 5 ans j’avais entrepris l’écriture d’un texte intitulé « Face aux scepticismes, aux fanatismes et aux dérives extrémistes faisons le pari des valeurs !» publié sur mon blog courant mars 2017.

L’agression de l’Ukraine par la Russie de M. Poutine et notre calendrier républicain m’invitent à ressusciter ma proposition.

L’expérience traumatisante de la seconde guerre Mondiale et du triomphe des idéologies exterminatrices, fascisme, nazisme et communisme avait rendu évidente la primauté des droits de l’homme et leur importance fondamentale dans la construction d’une nouvelle société débarrassée à jamais de ces démons collectivistes érigés autour de l’état, la nation, la race ou la classe.

C’est ainsi que fut proclamée le 10 décembre 1948 la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme suivie au niveau régional par l’adoption de Conventions et traités destinés à protéger les droits fondamentaux; repris et relayés par les constitutions des États; et ce mouvement s’amplifia encore avec la chute du mur de Berlin et la disparition de l’Union Soviétique.

Ce texte avait vocation à devenir la Charte de l’Humanité.

La pente vers une reconnaissance et une protection universelles des droits humains paraissait ainsi aussi inéluctable que naturelle, même s’il n’échappait à personne que nombre de ces adhésions étaient purement formelles, voire même cyniques, et destinées essentiellement à complaire au monde dominant, l’Occident.

Quels sont ces valeurs et principes ?

La liberté qui se décline en libertés: de conscience, d’expression, de réunion, de manifestation, et qui est la marque du respect de la dignité humaine; l’égalité entre tous les êtres humains qui exclut toute discrimination pour quelque raison que ce soit; la solidarité qui commande un partage équitable des richesses; la paix et le refus de la violence; les principes démocratiques qui impliquent l’intervention des citoyens dans le choix des dirigeants ainsi que la protection et la mise en œuvre effective de ces valeurs.

Or voici que ces 20 dernières années cette tendance a été freinée jusqu’à s’inverser avec l’apparition d’un extrémisme Islamique aussi violent que conquérant et le retour sur le devant de la scène mondiale des velléités impériales de la Chine, de la Russie, de la Turquie et de l’Iran tombés aux mains de dictateurs, alors que, concomitamment, nous avons assisté à l’affaissement idéologique des États-Unis, au retour de régimes autoritaires au Brésil et jusqu’en Europe, en Pologne et en Hongrie, sans oublier les relents nationalistes qui ont inspiré le Brexit et contaminent aujourd’hui l’Inde.

Pourquoi jusqu’en Occident se développe t-il une telle hostilité ?

Et à quoi attribuer ce succès grandissant des vieilles lunes phobiques : xénophobie, racisme, homophobie, nationalisme, avec l’inépuisable fonds de l’antisémitisme ?

Je vois plusieurs possibles explications :

Il y a, tout d’abord, l’effet mécanique de la dissipation dans le temps de la mémoire des holocaustes, avec la disparition de la génération qui les avait subis et l’épreuve d’une réalité toujours plus complexe qui a engendré le retour au populisme caractérisé par des explications et des projets simplistes; avec la permanence dans l’espèce humaine de grands prédateurs qui ne peuvent exister qu’en exerçant sur leurs semblables un pouvoir sans partage.

Mais, ne serait ce pas tout autant,, parce que partout où l’Occident a étendu son influence, il a oublié ces valeurs en les subordonnant à la défense de ses intérêts ? Des méfaits de la colonisation à ceux d’une décolonisation jamais aboutie, ou encore aujourd’hui, en ne trouvant de réponse aux flux migratoires provoqués par la misère et la guerre que dans des murs ou le recours à la sous traitance de leur accueil par des États « démocratiques » tels la Turquie ou la Libye, les grandes nations démocratiques ne les ont- elles pas profondément discréditées ?

Sans doute encore parce que ces valeurs et principes n’ont, du moins en France, jamais eu complètement droit de cité, tenus à distance par une droite toujours défiante à l’égard de la Révolution et par une gauche longtemps dominée idéologiquement par ses extrêmes qui voyaient en eux un avatar de la domination de la bourgeoisie.

Ce rejet à leur encontre atteint aujourd’hui son paroxysme à l’égard des anciennes puissances coloniales, dont la France, et fait l’objet d’une manipulation éhontée de la part des États autocratiques qui trouvent dans des dirigeants soucieux avant tout de conserver leur pouvoir, d’indéfectibles alliés; et c’est ainsi que MM Poutine et Xi Jinping deviennent les chantres de l’émancipation des peuples au nom du relativisme culturel qu’apprécient particulièrement les Ouïgours, les Ukrainiens ou les démocrates Russes depuis leurs camps de concentration, leurs villes bombardées ou leurs prisons.

Mais au fait, quelle est aujourd’hui leur place au sein de nos sociétés ?

Ne sont-ils pas devenus une sorte de messe en latin aussi incompréhensible pour ceux qui les disent que pour ceux qui les entendent ?
Au point qu’un Président de la République Française s’est autorisé à parler de « droit de l’hommistes » pour ridiculiser ceux qui défendent ces valeurs issues du Siècle des Lumières et de notre Révolution; suscitant plus d’assentiment que d’indignation !

Elles ont subi une telle banalisation que personne n’ose les nommer et encore moins les défendre; sauf à les pervertir en s’en emparant à tout propos et hors de propos. Qui parle de liberté, d’égalité, de solidarité, de justice, de combat contre les discriminations ? Sauf pour défendre ses intérêts particuliers quand ce ne sont pas de simples lubies ?

Elles n’ont plus de goût et tous les progrès qu’elles ont permis sont devenus, pour la plupart d’entre nous d’incolores et inodores droits acquis. Au point que nombre de citoyens en ont perdu le sens.

Et pourtant, il est criard que ce sont bien ces valeurs de liberté, de justice, de solidarité, de respect de la dignité de chacun qui sont le ciment de toute société harmonieuse et pacifique ! Ces mêmes valeurs qui sont inscrites dans la Charte des Droits fondamentaux de l’Union Européenne.

Le continent Européen en a fait l’expérience : après avoir subi l’assaut des idéologies fascistes, nazie et communistes qui ont apporté leurs lots de guerres et de désolations, c’est bien la construction Européenne fondée sur ces valeurs qui a mis fin aux chaos meurtriers et permis la naissance de sociétés de paix, de progrès et de liberté !

Mais voici qu’avec M. Poutine l’hydre de la guerre de conquête ressurgit; brutale, violente, couverte d’un immense mensonge proféré avec un cynisme absolu.

Pourquoi cette agression ? Pour une raison majeure : les valeurs adoptées par les Ukrainiens sont celles de l’Union Européenne, avant même l’assouvissement de son rêve d’empire.

Comment ignorer au nom de quoi les peuples se révoltent ? Depuis  la Tunisie puis l’Egypte, l’Irak, l’Algérie, le Soudan, la Birmanie, le Nicaragua, la Chine, la Biélorussie résonne toujours le même slogan : liberté !

Aujourd’hui, la résistance de la nation Ukrainienne est la plus formidable démonstration de l’importance fondamentale de ces valeurs et principes : au  péril de leur vie, des citoyens se lèvent contre le dictat de Vladimir Poutine. Et cette insurrection transcende l’appartenance linguistique,, puisque les Russophones de ce pays refusent cette invasion censée les protéger; ce qui prouve que dans l’esprit de ces personnes l’attachement aux valeurs de liberté est plus fort que celui à une langue qui, en l’occurrence, traduirait aussi celui à la nation Russe.

Alors, puisqu’elles sont si essentielles, indispensables, si désirées et si menacées, remettons les sur le devant de la scène politique nationale et internationale avec détermination et enthousiasme; proposons-nous d’en assurer la promotion et le respect; faisons d’elles la référence incontournable de nos choix dans tous les domaines de l’action publique. Nul besoin de grandes reformes puisqu’elles figurent dans la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, dans la Charte Européenne du même nom et dans notre bloc de constitutionnalité.

Chacun a compris combien les promesses et les programmes étalent fragiles face au surgissement de réalités toujours mouvantes et imprévisibles; par contre, les principes et les valeurs fondatrices de nos sociétés doivent toujours demeurer l’axe inaltérable des réponses à leur apporter.

Ce sera, à la fois, une entreprise de clarification à l’égard des citoyens et le repère à l’aune duquel les décisions de nos gouvernants seront prises et jugées, et, au-dessus de tout, une démarche de vérité, à l’opposé de ce que nous proposent les démagogues et apprentis sorciers de tous horizons.


François Cantier – Avocat
Président d’honneur d’Avocats sans Frontières France
Président de l’École des Droits de l’Homme