Que faire au second tour de l’élection présidentielle du 24 avril 2022 ?
Nombreux sont les citoyens qui se posent cette question ; d’autant que plus de la moitié des électeurs ne s’est prononcée ni pour Emmanuel Macron ni pour Marine Le Pen.
À l’heure du choix, ne tergiversons pas et affirmons haut et fort que l’élection d’un candidat issu de l’extrême droite, comme l’est incontestablement Marine Le Pen, constituerait pour notre peuple et notre pays une terrible régression, un profond traumatisme et une tache indélébile dans son Histoire.
Certes l’inclination vers la candidate du Rassemblement National peut se comprendre par la déception qu’a engendrée l’actuel Président et la détestation dont il fait l’objet, lui qui est ressenti, par une partie de l’électorat, comme le représentant des riches, arrogant à l’égard des plus faibles ; lui qui donne tant envie de traverser la rue pour.. lui dire son fait.
Personne n’ignore les reproches qui peuvent lui être adressés : ses insuffisances, voire ses échecs, peuvent faire légitimement douter de son aptitude à résoudre positivement les problèmes majeurs, comme la réduction des inégalités sociales, la menace écologique ou les crises migratoires ; en gardant toujours présent à l’esprit que « si la critique est aisée, l’art est difficile ».
Mais après 5 ans de pouvoir la France ne se trouve ni aux portes de la guerre civile ni de la faillite et, si les mots ont un sens, nous vivons toujours et encore dans un pays libre, les restrictions imposées lors de la pandémie, aussi désagréables fussent-elles, ne nous ayant pas réduits en servitude ! Et ce n’est pas l’hystérisation du débat public, fruit des excès de boutefeux complaisamment relayés par les medias, qui peut changer cette réalité.
Ceux qui en doutent doivent connaître l’opinion de citoyens de pays étrangers et notamment celle de nos voisins Allemands, Britanniques, Italiens ou Espagnols sur notre situation qu’aucun d’entre eux ne juge catastrophique.
La lecture du programme de Marine Le Pen et l’écoute attentive de ses discours permettent aisément de se convaincre que l’avenir qu’elle nous prépare consiste en une véritable Révolution qui mettrait en danger nos libertés tant individuelles que collectives, entraînerait un chaos social et une faillite économique.
Sa toute nouvelle priorité, le pouvoir d’achat, est une entreprise opportuniste de séduction et une blague grossière : ses propositions en matière économique mèneraient notre pays à la récession et, pour les moins favorisés des Français, à davantage de pauvreté ; c’est ce que disent tous les grands économistes dont le Prix Nobel d’économie, Jean Tirole, dans ses interviews auprès de nombreux médias.
Quant à la préférence nationale, qui est la pierre d’angle de son projet, elle nous ferait sortir non seulement de nos engagements internationaux comme la Convention Européenne des Droits de l’Homme, mais aussi de notre Déclaration des Droits de l’Homme de 1789 qui inscrit le principe d’égalité dans l’identité constitutionnelle de la France ; en effet, dans sa décision du 13 aout 1993, le Conseil Constitutionnel a posé le principe selon lequel le législateur doit « respecter les libertés et droits fondamentaux de valeur constitutionnelle reconnus à tous ceux qui résident sur le territoire de la République ».
Ce slogan, même réduit à une « priorité nationale », serait une rupture civilisationnelle car les principes sur lesquels s’est construite la France depuis le Siècle des Lumières et la Révolution de 1789 en seraient ébranlés sinon anéantis ; la liberté avec la suppression de ses garants que sont les dispositions de notre Déclaration des Droits de l’Homme et de la Convention Européenne du même nom ; l’égalité avec les discriminations dont seraient victimes notamment les étrangers ; la fraternité avec la suppression de fait du droit d’asile qui ne pourrait être sollicité que depuis le pays du demandeur !
Pour parvenir à ses fins la candidate veut s’affranchir du contrôle du Conseil Constitutionnel et abolir le principe de la supériorité du droit international, notamment communautaire, sur notre droit.
Ce qui signifie la sortie de l’état de droit et de l’Union Européenne.
L’état de droit, c’est la meilleure protection des plus vulnérables, l’Europe du traité de Rome c’est la garantie d’un État de droit démocratique et de la paix.
C’est le bloc de valeurs qui a fait la grandeur de la France qui serait disloqué et qui conduirait à notre bannissement du cercle des grandes nations démocratiques pour rejoindre celui des démocraties « illibérales ». Ne nous y trompons pas, il s’agit pour Marine Le Pen d’un choix délibéré, fruit de sa proximité idéologique avec Vladimir Poutine et Victor Orban qui portent une vision nationaliste et autoritaire dont nous découvrons aujourd’hui encore les terrifiantes conséquences.
Mais serait-il raisonnable de s’abstenir ou de voter blanc (ces derniers bulletins n’étant pas décomptés) dans la mesure où l’électeur considérerait que le choix proposé ne lui convient pas ? En temps normal une telle décision est parfaitement légitime ; sauf qu’ici un tel choix comporte le risque d’aboutir à la victoire d’une candidate mortifère pour la France et les valeurs qu’elle incarne.
Alors, de grâce, regardons ce que Marine Le Pen se propose de nous servir, au delà de son opération de séduction qui l’a transformée en grande protectrice des Français ; qui est-elle vraiment, quel est son projet politique et où nous mènerait-il ?
Ne nous égarons pas dans des débats sans intérêt comme celui de diabolisation ou de dédiabolisation mais prenons connaissance de l’histoire de l’extrême droite comme de son projet actuel, au plan national et international.
Le Rassemblement National demeure l’antithèse de la République et il est indispensable de marquer le refus total de ce parti et de l’idéologie qui l’anime autant que de son programme.
S’abstenir ou voter blanc conduit à le mettre sur un pied d’égalité avec l’autre candidat.
Une telle assimilation est injuste et par dessus tout dangereuse.
Ne pas choisir constitue l’ultime banalisation de ses idées ; ainsi donc le rejet de nos valeurs républicaines ne serait pas plus dangereux qu’une vision libérale de la société ? C’est faire injure à l’Histoire que de le penser lorsque l’on sait où ont mené les idées véhiculées par l’extrême droite.
La colère, toujours mauvaise conseillère, doit céder le pas à la lucidité et au sens des responsabilités ; ici ce serait une erreur fatale que d’y succomber.
Alors tous les citoyens attachés aux valeurs de notre République, à l’image de la France qui se confond avec elles, n’ont qu’un seul choix pour cette élection : voter Emmanuel Macron.
François Cantier – Avocat
Président d’honneur d’Avocats sans Frontières France
Président de l’École des Droits Humains et de la Terre