Salut et fraternité !
C’est à ses mots repris du vocabulaire des Conventionnels que Robert Badinter m’accueillait à la porte de son appartement.
André Malraux a écrit dans son livre l’Espoir « La tragédie de la mort est en ceci qu’elle transforme la vie en destin, qu’à partir d’elle rien ne peut être compensé ».
Robert Badinter nous quitte et nous laisse en paix.
Son destin, marqué du sceau de la tragédie de ses origines et de la guerre, est aujourd’hui accompli, scellé dans le marbre d’un itinéraire sans défaillance de défenseur des droits fondamentaux dont le premier d’entr’eux, le droit à la vie.
Les hasards de l’existence nous ont fait nous rencontrer dans la défense d’accusés condamnés à mort, même si notre choix commun de la profession d’Avocat procédait du même appel à l’humanité face au défi du crime.
Cette rencontre fut fondatrice pour le tout jeune Avocat que j’étais et définitivement inspirante sur le cœur de cette profession : la défense, notamment devant les tribunaux répressifs, là où le fossé entre l’homme et l’institution judiciaire atteint des profondeurs paroxystiques ; tout comme pour nombre de ceux qui ont embrassé cette Profession et bien au delà, pour les citoyens qui ont vu en lui l’archétype d’un être humain doué d’une conscience morale et d’une rectitude hors du commun, d’un défenseur de l’Homme.
Robert Badinter, dans ses multiples fonctions, fut de tous les combats contre l’injustice – avec en ligne de mire ce couple diabolique institution judiciaire/peine de mort où la barbarie se pare des oripeaux de la justice – et aussi contre le racisme, l’homophobie et le sort indigne réservé aux détenus dans nos prisons .
Avec Avocats sans Frontières, qu’il avait rejoint dès sa création, nous avons épousé toutes ses causes et relayé, chaque fois que possible, ses combats dans le monde ; il avait imaginé un appel à nous soutenir en lançant : « soutenir Avocats sans Frontières France, c’est soutenir le combat pour les justes causes, celles où se joue la liberté et parfois la vie » après avoir proclamé que son adhésion à Avocats sans Frontières serait son dernier engagement d’avocat.
Nous l’avons suivi dans ses efforts pour la création d’une Justice Pénale Internationale destinée à lutter contre l’impunité des grands crimes ; reconnu sur tous les continents, il y a joué un rôle important tout en soulignant qu’à la justice internationale devait répondre une défense internationale telle que celle qu’avec ASF, nous avons contribué à mettre en place.
De même, il portait le plus grand intérêt à notre École des Droits Humains et de la Terre avec une curiosité aiguë pour les méthodes originales que nous utilisons pour permettre aux enfants, dès le plus jeune âge, de découvrir et de s’approprier les valeurs qui fondent nos sociétés ; soucieux qu’il était de transmettre notre culture humaniste et ainsi, mieux faire barrage aux dérives extrémistes, laïques et religieuses.
Irréductiblement attaché aux valeurs et principes de notre République inscrits dans la Déclaration des Droits de l’Homme de 1789, il a rayonné sur le monde de la Justice et du droit par son exceptionnelle acuité intellectuelle, sa culture et, par dessus tout, par la force de ses convictions.
Un grand Homme s’en est allé ; il a rejoint la cohorte de ceux qui ont honoré la France et au delà, l’humanité.
Demeurera son souvenir et, dans son héritage, l’impératif catégorique de poursuivre ses combats au service du genre humain.
À jamais, salut et fraternité Robert Badinter !
François Cantier – Avocat
Président d’honneur d’Avocats sans Frontières France
Président de l’École des Droits Humains et de la Terre