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La démocratie et l’Europe, pour le meilleur et contre le pire

Pour ceux qui n’ont pas connu la seconde guerre mondiale et qui sont venus au monde dans le grand élan humaniste que l’horreur de  l’holocauste avait naturellement engendré, l’horizon, inscrit dans de grands textes fondateurs, telle la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, ne pouvait être que la Démocratie, seule garante des valeurs et droits fondamentaux des êtres humains.

Les récentes évolutions que connaît notre monde ne sont elles pas de nature à remettre profondément en cause cette croyance?

La Démocratie ne deviendrait-elle pas de protectrice et garante de ces valeurs leur fossoyeur?

La compétition électorale, propre à ce régime, semble pousser inexorablement aux promesses sans lendemain, au populisme, à la démagogie; et à ce jeu là ce ne sont pas les plus vertueux qui l’emportent mais ceux qui savent le mieux flatter les bas instincts de l’être humain et répondre aux injonctions de son cerveau reptilien qui commande la défense inflexible de son territoire contre toute menace réelle ou supposée.

La prime à l’outrance parait être devenue la règle et aujourd’hui l’excès se répand car systématiquement relayé par les médias qui s’en font les échos dans leur course à l’auditoire; même les plus sérieux peuvent  y succomber; pendant que nos meilleurs journalistes s’essoufflent à affronter les démagogues.

C’est ainsi que fleurissent partout en Europe de Paris à Budapest en passant par Vienne ou Rome de nouveaux partis qui surfent sur les peurs de nos concitoyens en les nourrissant de vieux fantasmes: l’arrivée des envahisseurs, toujours barbares, la perte de l’identité sur toile de fonds de déclin inexorable.

Les principes et les règles démocratiques permettent leur libre expression qui va à la rencontre de ces peurs que ces organisations traduisent en programmes politiques:

-le rejet des immigrés,

-la défiance voire le refus de l’Europe, prétendument source de tous nos maux,

-le protectionnisme,

-L’ostracisme à l’égard de ceux censés porter une identité raciale, nationale, sexuelle différente.

 

Bref le repli sur soi, sur une identité aussi factice que mythique, faite d’ignorance, de peurs et de haines.

C’est ainsi que, voici quelques décennies, fut fabriqué le mythe de l’arianisme  qui a débouché sur l’holocauste et une guerre mondiale: le peuple Allemand, l’un des plus éclairés du monde d’alors avec ses cohortes de poètes, musiciens et philosophes, humilié par une défaite militaire, en proie à de lourdes difficultés économiques, s’est cru menacé et a décidé de se protéger; en éliminant une partie de l’humanité censée le mettre en péril: les juifs, les tziganes, les homosexuels, les communistes, les libres penseurs, et la liste ne cessa de s’allonger.

 

Simultanément, et aujourd’hui, la montée en puissance de véritables régimes autoritaires dirigés par des « hommes forts », porteurs d’idéologies nationalistes en Russie ou en Turquie fascine par leur simplisme et leur apparente cohérence.

Et les dirigeants  sans scrupules de pays de tous les continents utilisent éhontément  ces vieilles recettes; en Europe avec la montée des partis xénophobes et anti européens, qui contaminent des partis historiquement démocrates, avec l’exemple terrifiant du calamiteux brexit,  en Afrique avec un détournement des luttes de libération, en Amérique du Sud avec M. Bolsonaro et, last but not least, aux États Unis de M.Trump, avec America first sans les émigrés, les musulmans, et qui d’autre encore?

Le Siècle des Lumières n’est plus qu’une vague réminiscence littéraire et le mythe Prométhéen semble en panne; les forces de l’esprit paraissent sidérées  devant une vague déferlante de mensonges, de peurs et de haines.

Certes Winston Churchill a encore et toujours raison: la Democratie est le pire des systèmes à l’exclusion de tous les autres; mais il est urgent qu’en son sein les forces de progrès reprennent la main, démasquent  les imposteurs, défendent et assurent la promotion, par des propos et des actes, des valeurs de liberté, de tolérance, de progrès et de solidarité qui seules continueront à forger le progrès de l’humanité.

C’est à L’Europe et à ses leaders les plus emblématiques de reprendre ce flambeau pour faire de notre Continent le leader d’un monde libéré de tous ces fantasmes mortifères qui mènent notre planète à de nouvelles confrontations qui seront, grâce aux progrès, bien plus terribles que les précédentes.

Le rapprochement de tous ces nationalismes, par nature opposés, prêterait à sourire si l’histoire ne nous avait pas appris qu’ils conduisent inexorablement à la guerre; aujourd’hui ils parviennent à faire partager leur détestation de la démocratie pour assouvir leur misérable appétit de pouvoir, demain ils feront massacrer leurs peuples pour le conserver.

Que peuvent faire les citoyens pour inverser cette funeste tentation et reprendre le chemin du progrès?

Défendre l’Union Européenne: elle est à l’échelle de l’histoire de l’humanité, une unique et extraordinaire création; bien sûr qu’elle est imparfaite mais il ne tient qu’à nous de désigner des dirigeants qui en améliorent le fonctionnement; sans jamais oublier qu’avec L’Europe nous avons fondé un espace de paix, de liberté et d’émancipation des peuples; et c’est justement à cause de cela qu’elle est tant attaquée car elle est le contre modèle de tous ceux qui ont pour seul et unique but la conquête et la conservation du pouvoir.

Écouter nos aînés, grands  philosophes ou sociologues tels Edgar Morin ou Michel Serres, ou encore un homme comme Robert Badinter; ils sont la voix de l’intelligence, de la sagesse et de l’espoir.

Revenons à la politique par la grande porte des valeurs, de la culture et de la réflexion.

Seul l’écrin de la Démocratie le permet et c’est en cela que, même au pied du mur, elle demeure encore et toujours l’horizon indépassable de l’humanité.

Et c’est l’Europe, autour de ses valeurs consacrées dans sa Charte des droits fondamentaux, qui est aujourd’hui la mieux à même d’assurer le renforcement et la promotion de la Démocratie.

 

François Cantier

Avocat

Fondateur et Président d’Honneur d’Avocats sans Frontières France President Fondateur de l’Ecole des Droits de l’Homme