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Face au scepticisme, aux fanatismes et aux dérives extrémistes, faisons le pari des valeurs

Le pari

Face au scepticisme, aux fanatismes et aux dérives extrémistes, faisons le pari des valeurs!

A partir d’un constat, c’est un nouveau pari, au sens Pascalien du terme, que je propose de faire.

Quel constat? Celui du manque d’attrait pour l’avenir, d’espérance en une vie meilleure: il n’y a plus de continents à découvrir et ici tout est crise. Nous sommes menacés par des « barbares » affamés quand ils ne veulent pas nous soumettre à leur foi tyrannique.

Quels sont nos projets individuels: les vacances au soleil, l’immobilier, le dernier e truc, le golf, la retraite ?

Et notre projet collectif: l’inversion des courbes du chômage et de la croissance, la résorption des déficits ou mieux encore la reconquête d’une indéfinissable identité?

Sans horizon enchanteur, demeure la crainte d’un avenir de tout temps incertain et donc effrayant, mais qui se rapproche de plus en plus vite avec une course du temps accélérée et les changements qu’elle apporte, voulus ou subis.

Avec un personnel politique lancé dans le grand concours de notre protection, alimentant, pour les moins scrupuleux d’entre eux, nos peurs de l’étranger, du chômage et du déclin auquel nous serions condamnés à moins que nous ne les élisions.
La social-démocratie continue à atténuer l’affrontement des intérêts et le progrès des sciences et des techniques rallonge l’espérance de vie, sans que les inégalités reculent et que nous sachions davantage vers quel type de société nous allons.

Mais à quoi aspirons-nous? A la société du tout plaisir, du tout facile, du tout de suite? Avec la vie éternelle comme horizon?

Le rideau est tombé sur le « Grand Soir » avec la chute du mur de Berlin et la fin du Communisme, perspective qui structurait notre vie politique entre ceux qui le redoutaient et ceux qui y voyaient la fin de l’exploitation de l’homme par l’homme et la satisfaction des besoins de tous.

Le monde qui nous entoure révèle de plus en plus son extrême complexité et nous sommes abreuvés de plus en plus d’informations devant lesquelles nous restons abasourdis, plongés dans un abîme de perplexité, ballotés d’une nouvelle tonitruante à l’autre, au gré des choix des directeurs de rédaction, avec une hystérisation croissante du débat public, garante de bons audimats.

Quoi d’étonnant à ce que certains d’entre nous se réfugient dans les bras de démagogues, religieux ou laïques, qui leur promettent des lendemains qui chantent haut et fort comme Dieu et le paradis sur une terre débarrassée de ses diables?
Comment comprendre, analyser, se forger une opinion sur les événements dont nous devenons des témoins directs? Mais si nombreux et si complexes que nous n’en retenons qu’une inquiétude à la mesure de nos incompréhensions.

Comment ne pas baisser les bras et ne pas se laisser gagner par un sentiment de vacuité face à une telle impuissance?

Afin de conjurer ces funestes perspectives, remettons en selle les mythes fondateurs de la société humaine: ceux de Prométhée et de l’Odyssée. La vie c’est le progrès, personnel et général, c’est l’aventure, individuelle et collective. Affichons ainsi notre croyance en l’avenir de l’homme et de l’humanité.

Pour cela, redonnons à nos concitoyens le goût de l’effort, de la découverte, de l’inattendu. Ils sont nombreux à s’engager dans des activités nouvelles, souvent risquées: pour certains c’est la réussite qui compte, parfois l’appât du gain; pour d’autres la satisfaction de la philanthropie, la découverte du monde proche et lointain, de la terre et de l’univers.

Alors, encourageons par des mesures appropriées et pas uniquement fiscales, ceux qui tentent l’aventure de la recherche, de l’entreprise à but lucratif ou non par des contreparties en terme de reconnaissance, de temps libre. Et surtout faisons leur promotion et incitons les à partager leur expérience et leur enthousiasme.

Place à la recherche, à l’invention, à l’innovation! Le monde sera, pour l’éternité, source de découvertes. L’intelligence et l’énergie humaine sont des moteurs aux possibilités infinies, à la mesure de l’infinité du monde. Seuls les esprits contrits et maladifs le considèrent comme enserré dans des croyances immuables et voudraient interdire tout progrès de la science et de la connaissance pour conserver intact leur pouvoir de domination. Gageons que ces fétus de paille continueront à être régulièrement emportés par le vent de l’Histoire. La seule limite, le seul danger, réside dans la folie des hommes; dans la capacité de certains docteurs Folamour d’appuyer sur les boutons rouges de la haine. Nous avons vu par le passé leur folie destructrice à l’œuvre, et les nouveaux moyens dont ils disposeront à l’avenir les rendront toujours plus dangereux.

Fuyons toutes les tentations de repli, sur soi, sur son territoire, sur des identités mythiques et ouvrons grand le champ des fraternités au plan national et international. Quelle plus grande satisfaction que d’être utile auprès de ceux qui souffrent? Quelle plus intense gratification que de donner son temps et son énergie pour une juste cause?

L’avenir est aux grands espaces de l’esprit et du monde dans toutes ses dimensions tant biologiques que spirituelles et spatiales.
Nous sommes aux balbutiements de la découverte de l’homme et de l’univers:
Nous ignorons nos origines et hormis les explications magiques, que savons-nous de notre apparition sur terre? Et nous serions déjà fatigués, blasés?
Pour éradiquer à jamais les holocaustes, dressons toujours plus haut les herses de l’humanisme élevées au cours des siècles, et encore si peu intériorisées, par l’éducation aux droits et valeurs.

Pour cela quels murs bâtir qui protègent sans enfermer?

Ces murs existent; la plupart des civilisations les ont construits. Chacune en son temps, chacune à sa manière. Simplement ils se sont estompés dans le tumulte des grandes guerres, des occupations, d’un progrès technologique accéléré, d’une mondialisation désordonnée et déshumanisée, disparaissant ainsi de nos horizons. En Europe, nos ancêtres les ont bâtis, au sortir des ténèbres du Moyen Age jusqu’au siècle des Lumières, et les ont confortés par le développement de la démocratie et la promotion du progrès social.

Réhabilitons les partout dans le monde ; chez nous remettons en selle nos valeurs fondatrices, magnifiquement résumées dans notre triptyque républicain: liberté, égalité, fraternité en y référant nos projets et nos actes et en mettant en place leur enseignement dès le plus jeune âge.

Parallèlement, engageons des politiques dont le but ultime sera de favoriser les facteurs de progrès et de les concilier avec la promotion de tous.

Ce n’est pas tant la recherche d’une société du bien-être qui doit nous guider que de celle où l’état veille à ce que personne ne soit condamné à subir définitivement l’injustice des hasards de la nature ou de la vie, par respect de la dignité de chacun.
Le Pape François, issu d’un continent à l’Histoire récente et tragique nous y incite en renouant avec la Théologie de la Libération et son option préférentielle pour les pauvres.

Le vrai choix éthique et politique est bien là: soit la poursuite du progrès économique à tout prix, soit la recherche prioritaire du progrès humain avec une compassion active pour tous les laissés pour compte.

Sans ce puissant contrepoids quel avenir pour l’humanité? Celui d’un authentique suicide, car nous savons aujourd’hui les dangers que produisent une innovation et une croissance laissées à la seule loi du marché et une politique aux seuls appétits de pouvoir.

Pour commencer engageons quelques projets et actions symboliques:
– Dès l’école primaire, mettons en place un cursus d’éducation aux droits fondamentaux et aux valeurs universelles qui se prolongera dans l’enseignement secondaire et supérieur. Les expériences menées notamment par l ‘Ecole des Droits de l’Homme démontrent le succès d’un tel enseignement.

– Construisons une Cité des Droits Fondamentaux et des Valeurs Universelles qui sera la vitrine des valeurs et droits fondateurs de l’humanité et une plateforme où pourront fleurir des initiatives dans les domaines de l’éducation, de la formation, avec le concours de juristes, d’anthropologues et de chercheurs en sciences de l’éducation.

-Au plan international, à l’occasion du 70ème anniversaire de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, en décembre 2018, organisons avec le concours de l’Europe, et dans le cadre des Nations Unies, une Conférence Mondiale sur les Droits de l’Homme. Elle aura pour objectif de mettre en place un agenda afin d’assurer progressivement l’effectivité de ces droits.

– Faisons une proposition au niveau de l’Union Européenne afin que dans toutes les instances consultatives et décisionnaires, publiques comme privées la voix des déshérités soit entendue.

Il ne s’agit pas là de suggérer un programme de gouvernement dont chacun sait ce qu’il peut en advenir à l’épreuve des réalités, mais de lancer par quelques actions symboliques une politique constamment référencée sur le bloc de nos valeurs et ce, quelque soient les circonstances auxquelles nous serons confrontés.

Si la politique, c’est la recherche du bonheur des habitants de notre planète terre, elle passe par la promotion et le respect de leurs droits fondamentaux. L’Histoire nous a appris que chaque fois que les droits individuels étaient relégués au profit de droits collectifs, ceux de la nation, de la race, de la classe ou de la religion, l’holocauste était au rendez-vous, comme ce fut le cas en Allemagne, au Cambodge, au Rwanda ou aujourd’hui avec l’état islamique.

Exigeons donc de nos hommes politiques qu’ils se prononcent clairement sur leur adhésion à ces droits-valeurs et qu’ils s’engagent à s’y référer systématiquement dans leurs projets et leurs décisions.

Ils sont à la racine de toute société humaine qui refuse de vivre sous la férule d’un homme, d’une idéologie, laïque ou religieuse et de leurs camps. D’ailleurs ils figurent dans les lois fondamentales de toutes les nations et organisations internationales d’états, en Afrique, en Amérique, en Asie et en Europe, avec à la fois la Convention Européenne des Droits de l’Homme et la Charte des Droits Fondamentaux de l’Union Européenne. Ce sont de belles et grandes affiches à la gloire de l’humanité car ces droits parlent à tous les êtres humains ; alors transformons les en une langue vivante qui sera l’espéranto des peuples.

Car enfin -et c’est le second terme du pari- qu’avons-nous, à en redouter? Assurément rien. Bien au contraire, puisque ces droits et principes protègent la sécurité de tous, y compris de ceux qui ne les partagent pas.
Ils garantissent l’adhésion à toutes les croyances ainsi que leur célébration. Et si, d’aventure, certains ne les acceptent pas, ils devront se découvrir en s’expliquant sur leur choix et le débat politique y gagnera en clarté.

Aucune complexité n’est de nature à échapper à l’épreuve du sens et donc à la référence aux valeurs, ce qui n’entrave en rien la recherche d’objectifs économiques ou financiers concourant au progrès et à l’amélioration des conditions de vie mais assure qu’ils ne se réaliseront pas à leur détriment.

Le pari des valeurs c’est celui de la raison, de l’avancée audacieuse d’une humanité conquérante dont le progrès des êtres humains vers l’égalité et la liberté constitue à la fois le moteur et l’objectif ultime.

Pascal avait parié sur Dieu, parions aujourd’hui sur les valeurs qui sont le propre de l’Homme.
François Cantier
Avocat